BANQUES DIFFICULTES DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES

RENCONTRE GICAM – APECCAM – BANQUES

DIFFICULTES DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES

Douala, le 14 Avril 2021

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EXPOSE DE CADRAGE

DU PRESIDENT DE L’APECCAM

 

Monsieur le Président du GICAM

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d’Administration du GICAM,

Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux des établissements de crédits et des sociétés présentes,

Chers invités et chers clients,

Je remercie le Président du GICAM pour l’analyse pertinente qu’il vient de faire de la situation économiquedu Cameroun en Général, et pour celle plus spécifiquedes entreprises dans le contexte de la crise sanitaire que nous vivons actuellement et dont nous ne pouvons en garantir la sortie dans un horizon proche.

Permettez-moi de vous rappeler que l’Association Professionnelle des Etablissements de Crédit du Cameroun a été créée par Ordonnance du Président de la République du 31 Août 1985.

Toutes les Banques exerçant leurs activités au Cameroun sont membres du GICAM.

APECCAM en tant qu’Association représentative est aussi membre du GICAM et siège en son Conseil d’Administration. 

Le GICAM et l’APECCAM sont membres de plusieurs Comités Techniques organisés et tenus par les Pouvoirs Publics, et particulièrement par l’Autorité Monétaire ; je fais référence ici au CNEF (Conseil National Economique et Financier).

Comme vous le voyez bien, le GICAM et l’APECCAM sont unis et leur lien de mariage est indissoluble. D’où vient-il alors qu’un couple aussi fort, se réveillent seulement aujourd’hui pour organiser une rencontre comme s’il vivait séparé l’un de l’autre ?

Autant que je me souvienne, les rencontres Banques, Clients ont toujours été historiquement marquées par un climat de suspicion et d’accusation réciproques, fortement argumentées et soutenues par chacune des parties.

L’histoire nous rattrape aujourd’hui et nous devons tirer avantage de la relation GICAM-APECCAM pour être une force de proposition concertée, afin d’améliorer l’écosystème bancaire de notre pays et répondre aux nombreuses attentes de nos clients et de nos citoyens.

 

Distingués membres,

L’heure est venue pour nous d’agir autrement. Laissons notre passé là où il appartient, dans le passé ; Agir autrement, c’est ce que nous allons commencer à faire ce matin : réfléchir ensemble pour apporter des solutions ou pour élaborer un solide plaidoyer à l’adresse des Pouvoirs Publics.

Nul doute que cette première rencontre nous aidera à mieux préparer et à structurer les suivantes.

Ceci étant, permettez-moi une fois de plus de remercier le Président du GICAM et son équipe pour l’initiative de cette rencontre tripartite, mais également pour l’hospitalité qu’ils nous offrent en accueillant les travaux de ce jour.

Problématique

Dans les termes de références de cette rencontre, il a étéclairement établi que l’accès au financement demeure l’une des préoccupations majeures des entreprises et particulièrement des PME. D’ailleurs, le 2èmerecensement Général des Entreprises réalisé par l’INS en 2016 révélait que les problèmes de financement (accès au crédit, coût de financement), étaient selon les chefs d’entreprises, le 3ème obstacle à l’entreprenariat (30,7%) après la fiscalité (53,5%) et les tracasseries administratives (34,2%). 

Malheureusement, la survenue de la crise sanitaire en 2020 a accentué les difficultés des entreprises en matière de trésorerie et d’accès aux financements. L’asphyxie provoquée par cette situation a entrainé de nombreux impayés dans le remboursement des échéanciers de crédit. 

Malgré les mesures de soutien de la Banque Centrale, notamment à travers une baisse de ses taux directeurs, un assouplissement des conditions d’éligibilité du collatéral privé et public aux opérations de refinancement, un accroissement des injections de liquidités et des mesures d’allègement par la COBAC des conditions de classement, de comptabilisation et de provisionnement des créances impayées pour accompagner les entreprises touchées par la crise COVID 19, le secteur privé continue de se plaindre d’un accompagnement insuffisant des banques commerciales.

Les principales récriminations faites par le secteur privé portent sur des difficultés liées à :

- L’Accès aux devises ;

- Transferts hors CEMAC (Taux de commissions élevées) ;

- L’Accompagnement face à la crise COVID 19, jugé insuffisant ;

Les difficultés liées aux financements des entreprises n’étant pas une problématique nouvelle, elles ont déjà été évoquées et discutées dans diverses instances nationales afin d’y apporter des solutions efficaces. 

Pour présenter la panoplie de solutions proposées par le système financier national, il conviendrait tout d’abordde distinguer les causes structurelles (période avant la crise sanitaire), des causes conjoncturelles provoquées par la crise COVID 19.

1. Solution aux causes structurelles : Mise en œuvre d’un Plan de Développement du Système Financier National par le CNEF.

La problématique des difficultés d’accès aux financements bancaires des entreprises a toujours été une source de préoccupation de l’autorité monétaire national. Pour l’adresser, le Conseil National Economique et Financier (CNEF) a, au cours d’une étude menée sur le développement du système financier du Cameroun (2014 – 2018), abouti à la conclusion qu’il demeure peu développé, comparativement à celui des pays africains de même niveau de développement. Les causes de la faiblesse des performances du système bancaire ont étécorrélées à des facteurs exogènes et endogènes. 

Les causes exogènes sont principalement liées à l’absence d’une infrastructure financière fiable, favorisant la propension de l’asymétrie de l’information sur les entreprises et l’environnement juridique et judiciaire contraignant qui ne facilite pas lerecouvrement des créances et la réalisation des garanties.

Les causes endogènes identifiées sont liées à une qualité des services financiers inadaptée, mais également au coût des services élevé. Les produits financiers sont faiblement diversifiés, avec une forte concentration des concours bancaires sur le segment des grandes entreprises au détriment des PME. Le renchérissement du coût de crédit étant lié à une prime de risque élevée, couplée à une politique fiscale peu attractive.

Si le CNEF a commencé à apporter une réponse aux problèmes d’asymétrie de l’information financière à travers la Centrale des Risques sur les entreprises, il conviendrait de compléter cette infrastructure avec le« Crédit Bureau ». Cette solution en cours d’implémentation au niveau sous-régional par la BEAC permettra à terme aux établissements de crédit de disposer d’un outil approprié d’appréciation des risques.

La grosse difficulté réside dans les difficultés de recouvrement des créances bancaires et de réalisation des garanties. Lors de son allocution solennelle de rentrée de la Cour Suprême, le Premier Président de cette Institution a dénoncé les difficultés de recouvrement auxquelles sont confrontées les établissements de crédit et fustigé les lenteurs judiciaires, dans la réalisation des garanties.

Une avancée significative dans ce volet est l’adoption au cours de l’année 2019, d’une Loi portant répression du non-remboursement de crédit au Cameroun. Cet outil indispensable qui sanctionne la mauvaise foi des clients, qui organisent leur insolvabilité est indispensable pour inverser la tendance galopante des créances brutes en souffrance. Tenez en fin 2020, le taux des créances en souffrance au Cameroun se situe à 16,6%, loin au-dessus de la moyenne mondiale de moins de 5%. L’APECCAM mènera au cours de cette année une campagne de vulgarisation de ce texte auprès du public, afin de sensibiliser les parties prenantes aux sanctions auxquelles elles s’exposent en cas d’inobservance de leurs obligations liées aux conventions de crédit.

Une réponse adéquate à ces causes exogènes de la faiblesse des financements bancaires, contribuerait à résoudre in fine les difficultés liées aux causes endogènes. La mise en œuvre d’une infrastructure financière fiable, couplée à un système juridique et judiciaire favorable, baisseraient considérablement le coût du crédit et favoriserait une prise de risque conséquente des établissements de crédit.

La plateforme du secteur privé (GICAM-APECCAM) ainsi constituée gagnerait à encourageret soutenir la mise en œuvre du plan de développement du système financier au Cameroun, encore en phase d’implémentation au CNEF.

2. Solutions aux causes conjoncturelles : crise sanitaire à la COVID 19 et accès aux devises.

Malgré la survenance de la crise sanitaire à la COVID 19 au cours de l’année 2020, on a enregistré une augmentation des crédits accordés à la clientèle de 2,3%,malgré une progression dans le même sens des créances brutes en souffrance de 7,2% au cours de la même période. Cette situation traduit à suffisance l’engagement du secteur bancaire à soutenir l’économie en détresse, contrairement aux idées reçues de contraction du crédit bancaire.

Avec l’assouplissement par la COBAC des conditions de classement, de comptabilisation et de provisionnement des créances impayées pour accompagner les entreprises touchées par la crise COVID 19, les établissements de crédit disposent d’une marge de manœuvre pour soulager les entreprises en difficultés. La durée de déclassement en créances douteuses des crédits amortissables passe de 90 à 180 Jours.

Par ailleurs, l’entrée en vigueur courant 2019 d’une nouvelle réglementation de change a complètement changé le paradigme des transferts à l’international en zone CEMAC. Alors que l’ancienne convention offrait des libertés aux établissements de crédit pour gérer les opérations de transfert, la nouvelle réduit leur marge de manœuvre et donc le volant de devises pour permettre d’exécuter rapidement les ordres de la clientèle. Au demeurant, et face à la contrainte de présenter les justificatifs de transferts à priori, les banques commerciales se trouvent buter à une difficulté énorme dans le traitement et la satisfaction des besoins de sa clientèle.

Mesures correctives additionnelles.

Comme solutions de renforcement des mesures actuellespour le financement de l’économie, on pourrait suggérer la création par les autorités gouvernementales d’un fonds de soutien comme celui mis en place au Sénégal mais adapté à notre contexte, en lien avec la solution de garantie des créances dans le secteur privé.

Pour accroitre le volume des financements bancaires en période de crise COVID, la solution de l’African Garantee Fund (AGF) qui offre aux établissements de crédit une solution de garantie orientée vers les créances COVID 19 des PME est salutaire.

Cet appui se traduit soit par une ligne de raffinement, soit par des garanties individuelles. Depuis 2017 AGF est notée AA- par Fitch rating ce qui traduit une haute appréciation du management de ce fonds.

La pandémie de la Covid-19 a été l’occasion pour cette institution de rendre public une nouvelle offre de financement : la garantie Covid-19. Elle se décline en deux lignes de soutien :

- La première est la garantie du portefeuille existant : AGF offre de couvrir les prêts octroyés aux PME avant ou pendant la période COVID-19 mais qui, du fait du prolongement de la crise sanitaire, se détériore déjà ou sont susceptible de se détériorer dans un avenir plus ou moins prévisible. La garantie est la couverture de 50% du prêt accordé à la contrepartie et sa mise en œuvre obéit aux mêmes règles que celles pratiquées par les institutions de refinancement, avec toutefois une plus grande célérité pour les accords des dossiers COVID-19 ;

- La garantie des nouveaux financements : Pour encourager les établissements de crédit à accorder des financements aux PME impactées par la crise sanitaire, AGF met à leur disposition une ligne de garantie dont le but est de soutenir et accroître l’offre de financement en faveur des PME qui aurait certainement diminué sans cette garantie.

Il s’agit aussi de réduire le coût des crédits aux PME qui est généralement élevé du fait même de la sinistralité observée dans cette catégorie de clientèle et de l’asymétrie d’information qui généralement paralyse les banques.  

 

Monsieur le Président du Gicam,

Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux,

Chers Invités et chers clients,

Je souhaite que nos échanges soient francs et constructifs. Je ne doute pas que beaucoup de questions resteront sans réponse à l’issue de nos rencontres. Je garde l’espoir que nos conclusions alimenteront les réflexions du Comité mis en place par le Minfi le 15 Mars 2021 ; Ce Comité est chargé d’identifier les mesures additionnelles de soutien au secteur privé à prendre par le secteur monétaire bancaire et financier,dans le cadre de la riposte contre la pandémie du Covid. 

Je vous remercie de votre attention.                          

Le Président   - Alphonse NAFACK

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